“De la graine au panier” : les Jardins du Cœur reverdissent au printemps
Après un hiver compliqué, la petite équipe des Jardins d’insertion de Blanquefort (Gironde) s’active entre serres et plants de pommes de terre… Débrouillardise, bienveillance et retour vers l’emploi, Agnès et ses 12 salariés en contrat d’insertion savourent le retour du printemps.
L’hiver a été difficile : « C’est le pire que l’on ait eu en matière d’inondation”, soupire Agnès, encadrante technique au Jardin du Cœur de Blanquefort, en Gironde.
“En 18 ans, je n’avais jamais vu ça : inondés pendant deux mois. Au jardin, ça a été compliqué : on a perdu des poireaux, des choux… . Heureusement, l’ail et l’oignon blanc ont survécu.”
En ce mois d’avril, Agnès et son équipe savourent le retour des beaux jours sur ce splendide coin de nature en bordure du cours d’eau la Jalle Noire :
“Le jardin renaît. Tout est vert. Le matin, tu entends le rossignol. Ça fait du bien à la tête et au cœur. Ça donne du sens à notre travail.”
Au pied de la serre principale, la chienne Bella se pâme au soleil et garde un œil amusé sur la poignée d’humains qui s’activent autour d’elle.
De la graine au panier
A l’année, le jardin fournit près de 12 tonnes de légumes aux centres de la région. Ici, écologie et respect du vivant priment sur toute logique de productivité. La parcelle couvre 6000 mètres carrés de culture en plein champ et 1000 mètres carrés en serres. Niché au cœur d’une zone Natura 2000, le jardin héberge des espèces protégées, comme le papillon cuivré des marais ou la loutre d’Europe.
Dans les serres, quelques milliers de plans de tomates, aubergines et poivrons côtoient les dernières fèves de la saison. Les plans sont issus de dons ou les semences conservées d’une année sur l’autre. “S’il fallait acheter tout ça, on ne s’en sortirait pas. Notre but aux Jardins, c’est de tout produire, de la plante aux paniers” des personnes accueillies dans les centres Restos du Cœur.
Au programme de ce lundi, plantation de pommes de terre .
“On a un mois de retard par rapport à l’année dernière, à cause de la météo. Mais pour tous les maraichers du coin, c’est la même chose. Le jardin c’est vivant, il faut s’adapter”.
Pomme de Terre Agata
Encadrées par Agnès, Edwige, Sandra et les autres déposent des pommes de terre Agata Bio dans les sillons fraichement creusés de la parcelle. Les semences sont fournies gracieusement par un donateur du Nord : “Tous les ans, il joue le jeu. Nous choisissons les variétés bio que nous voulons semer et il nous les achemine en camion”.
Dans 90 jours, les pommes de terre garniront les paniers des personnes accueillies dans les centres régionaux : de Pessac à Bruges. Mais aux Jardins du Cœur, les légumes produits sont bien plus que de simples légumes.
Comme dans les 101 chantiers d’insertion et association intermédiaire, les petites mains qui les cultivent sont celles des salariés en contrat d’insertion.
La révélation d’Edwige
Les jardins du Cœur de Blanquefort comptent 12 salariés en insertion : 12 personnes très éloignées de l’emploi, souvent fragilisées par des accidents de vie, un handicap, le chômage de longue durée, la vie à la rue ou le manque de formation.
Avec presque 57% de bénéficiaires du RSA, 20% de seniors, 16% de personnes sans ressources, plus des trois quarts des salariés en contrat d’insertion ont un niveau de formation à l’entrée de nos dispositifs inférieurs au CAP et au BEP.
Au fil des mois, ils retrouvent le chemin de la vie active et tentent de retrouver une dynamique sociale et professionnelle.
“Ici, autour des jardins, on réapprend à travailler en équipe, à respecter des horaires”, commente Agnès. “On reprend confiance en soi”, ajoute Vanessa, la vingtaine, arrivée quelques mois plus tôt.
Edwige, 61 ans, a longtemps cherché sa place :
« J’étais au chômage. Je n’arrivais pas à trouver de travail. Peut-être à cause de mon handicap : je suis malentendante”.
Elle a découvert les Jardins du Cœur au cours d’un forum pour l’emploi. Son arrivée aux Jardins a été “une révélation” : “Travailler la terre, sans pesticides, sans OGM, c’est ça que je voulais faire.”
Outre des compétences techniques, elle a aussi retrouvé un cadre social rassurant : “Ici, tout le monde fait attention. On ne laisse tomber personne. Si quelqu’un a un problème, un autre vient et lui propose son aide”.
Cette bienveillance a été très précieuse pour la sexagénaire : “Rien qu’avec mon handicap. Quand il y a trop de bruit, je ne capte pas ce qui se dit alors quand je vois les autres se tourner vers moi pour vérifier si j’ai bien entendu, ça me fait chaud au cœur ».
Les chantiers d’insertion en 2022-2023
- 51% de sorties dynamiques
Depuis 1989, les restos du Cœur développent, à travers l’insertion par l’emploi, des dispositifs pour les plus fragiles. Les ambitions y sont à la fois immenses et modestes : reprendre confiance en soi, retrouver une dynamique professionnelle, une vie sociale, au fil d’un parcours d’une durée moyenne de 13 mois dans l’une de nos structures…
Avec presque 57% de bénéficiaires du RSA, 20% de séniors, 16% de personnes sans ressources, les chantiers d’insertion sont une activité reconnue par les pouvoirs publics. Au sein des Restos du Cœur, près de 78% de personnes employées en contrat d’insertion ont un niveau de formation inférieur au CAP et au BEP, à leur arrivée.
- 101 chantiers d’insertion et association intermédiaire en France ;
- 2342 salariés en insertion ;
- 51% de sorties dynamiques, soit plus d’un salarié sur deux ayant retrouvé le chemin de l’emploi ou une formation qualifiante.