Faire face à la crise alimentaire : l’alerte des Restos du Cœur
L’aide alimentaire en France risque de faire face, dans les prochains mois, à des difficultés majeures, peut-être inédites, en raison des crises qui se multiplient, au premier rang desquelles la guerre en Ukraine, avec ses répercussions sur l’alimentation et l’énergie.
S’y ajoutent les conséquences dues au dérèglement climatique qui percute la production agricole et agit directement sur les prix et la disponibilité des denrées. La crise alimentaire mondiale que nous traversons aura des répercussions dans les prochains mois.
L’inflation, l’augmentation des prix des produits alimentaires et de l’énergie vont toucher plus fortement les plus pauvres. L’arbitrage entre se loger, se chauffer, se déplacer et se nourrir va devenir chaque jour plus difficile. Après avoir été frappés de plein fouet par l’épidémie de COVID qui a accentué toutes leurs difficultés, notamment en termes d’accès à l’alimentation, les plus démunis vont aujourd’hui être les plus touchés par l’inflation galopante et les difficultés d’approvisionnement. D’ores et déjà, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 3 % en avril dans les grandes surfaces. L’impact sur l’activité et la fréquentation des dispositifs d’aide alimentaire ne tardera pas à se faire sentir.
L’équilibre économique des associations de solidarité pourrait en être profondément fragilisé, car l’ensemble des sources d’approvisionnement de l’aide alimentaire en France est touché : l’achat en direct bien sûr – aux Restos du Cœur, nos coûts d’achat ont en moyenne augmenté de 10 % ces dernières semaines – mais aussi le programme européen d’aide alimentaire, qui a démontré à quel point il était indispensable ces dernières années pour assurer la fourniture gratuite de produits de base. Or, il est très dépendant des marchés européens, eux-mêmes déstabilisés. Enfin, les contextes d’augmentation des prix et de pénurie sont défavorables au don alimentaire. A titre d’exemple, les dons des producteurs laitiers à notre association ont été divisés par cinq en un an.
Face à cela, la création du chèque alimentaire, promise par le Président réélu, est certainement utile mais ne sera pas la solution miracle. Parce qu’il ne pourra pas toucher l’ensemble des publics précaires – notamment les plus grands exclus soutenus par les associations -, parce qu’il ne couvrira pas l’ensemble des besoins, il devra s’inscrire en complémentarité avec les acteurs associatifs, qui répondent à l’urgence et mènent une mission d’accompagnement des personnes.
Il est indispensable que le prochain Gouvernement anticipe dès à présent cet « effet ciseaux » que ne manqueront pas de connaître les associations de solidarité, c’est-à-dire une augmentation de leurs besoins corrélée à une diminution de leurs ressources. Au-delà de toutes les mesures à prendre pour lutter durablement contre la pauvreté, les pouvoirs publics, à tous les échelons, doivent se mobiliser pour créer de nouveaux outils de soutien aux acteurs de l’aide alimentaire, afin de répondre aux besoins, de faire face aux crise qui se télescopent et de favoriser un accès à une alimentation locale et de qualité pour les plus démunis.
Crédit photo : ©ERIC PATIN