Les Jardins du Cœur : un coin de nature où se reconstruire
Immersion au Jardin du Cœur de Blanquefort (Gironde), où onze personnes en contrat d’insertion apprennent les rudiments du maraichage et se reconstruisent au fil des saisons.
Récolte des dernières scaroles de l’année, au Jardin du Coeur de Blanquefort (33).
Crédit photo : Restos du Coeur
A la mi-novembre, deux tempêtes se sont abattues coup sur coup sur les jardins du Coeur de Blanquefort, en Gironde. Il a fallu récolter scaroles et batavias à la hâte.
« Elles avaient les pieds dans l’eau. Ça fait sept jours que nos serres sont inondées », sourit Agnès Lainé, 53 ans, encadrante technique d’insertion pédagogique et sociale depuis plus de 17 ans.
A la faveur du redoux, 130 pieds de salades sont ramassés et envoyés le jour-même vers le dépôt départemental de Bruges. Sur place, les légumes sont répartis dans l’une des 42 antennes locales, d’Eysines à Blanquefort ou Merignac… Produites sans intrant de synthèse, au sein d’un circuit court, les salades du Jardin du Coeur contribuent à offrir aux personnes accueillies dans les centres de distributions alimentaires des produits de qualité.
- Circuit court et insertion
A l’année, le jardin fournit près de 12 tonnes de légumes aux centres de la région. Ici, écologie et respect du vivant priment sur toute logique de productivité. La parcelle couvre 7000 mètres carrés de culture en plein champ et 1000 mètres carrés en serres. Niché au coeur d’une zone Natura 2000, le jardin héberge des espèces protégées, comme le papillon cuivré des marais ou la loutre d’Europe.
Le terrain appartient à un couple d’horticulteurs qui était désireux de contribuer à une action sociale. « Il y a une vingtaine d’années, ils ont proposé aux Restos du Cœur d’investir la parcelle. Il a fallu défricher, c’était plein de roseaux », se souvient Agnès.
- Marie, Martine et les autres…
Mais dans ce jardin situé en bordure de la Jalle noire, les salades sont bien plus que de simples salades. Les petites mains qui les ont cultivées sont celles de personnes employées en contrat d’insertion par les Restos du Cœur au sein de l’atelier maraichage.
Onze personnes, au parcours de vie souvent chaotique, aux prises avec des situations familiales, administratives et professionnelles parfois très dégradées. Eloignées de l’emploi, et parfois sans domicile, elles bénéficient au Jardin du Coeur d’un accueil bienveillant et d’un accompagnement global et personnalisé. Au fil des mois et des saisons, les employés retrouvent un cadre de travail, des horaires, les interactions élémentaires du travail d’équipe et in fine, ébauchent un projet professionnel.
Les salades chargées, la camionnette de l’Association s’éloigne sur un chemin de campagne et croise Marie. Bottes et lourd manteau d’hiver, cette trentenaire passe donner de ses nouvelles à l’équipe. Bella, la chienne d’Agnès la reconnaît de loin et accourt en enjambant les derniers rangs de choux de la saison. « Bella est devenue la mascotte du jardin », constate Agnès.
« Un chien, ça console de beaucoup de choses et ça sait garder les secrets. Marie, elle, a passé beaucoup d’heures à pleurer auprès de Bella… »
En deux ans, Marie a parcouru un long chemin de reconstruction personnelle. La situation personnelle et administrative de cette mère de famille s’est considérablement améliorée. L’expérience lui a aussi permis de passer son permis de conduire et de gagner en autonomie.
« Ce sont des gens qu’on récupère à la petite cuillère. Marie a beaucoup repris confiance en elle. L’accompagnateur socio-professionnel l’a accompagnée sur tout un volet juridique d’une complexité monstrueuse. Elle s’en est sortie. »
A l’instar de Martine, la soixantaine, en contrat d’insertion depuis un an.
« Elle, elle a regardé une vidéo sur le maraichage au Pôle emploi de Saint-Médard en Jalle. C’est comme ça qu’elle est arrivée chez nous. Elle est venue et elle est restée. »
- 51% de sorties dynamiques
Depuis 1989, les restos du Cœur développent, à travers l’insertion par l’emploi, des dispositifs pour les plus fragiles. Les ambitions y sont à la fois immenses et modestes : reprendre confiance en soi, retrouver une dynamique professionnelle, une vie sociale, au fil d’un parcours d’une durée moyenne de 13 mois dans l’une de nos structures…
Avec presque 57% de bénéficiaires du RSA, 20% de séniors, 16% de personnes sans ressources, les chantiers d’insertion sont une activité reconnue par les pouvoirs publics. Au sein des Restos du Coeur, près de 78% de personnes employées en contrat d’insertion ont un niveau de formation inférieur au CAP et au BEP, à leur arrivée.
Les chantiers d’insertion en 2022-2023
- 101 chantiers d’insertion et association intermédiaires en France ;
- 2342 salariés en insertion ;
- 51% de sorties dynamiques, soit plus d’un salarié sur deux ayant retrouvé le chemin de l’emploi ou une formation qualifiante.