Maraude à Marseille : « On ne cesse pas d’avoir faim parce que c’est les vacances »

2 août 2024

Partout en France, la fermeture estivale de nombreux centres et associations accentue l’urgence sociale. Aux Restos du Cœur des Bouches-du-Rhône, 80 bénévoles se relaient pour maintenir des maraudes quotidiennes à Marseille et venir en aide aux plus fragiles. Reportage.

Maraude a Marseille Nord juillet 2024

Maraude à Marseille Nord, juillet 2024. © Théa Jacquet

« La dernière fois, Yves nous a annoncé qu’il allait peut-être avoir un logement. C’est un habitué. J’espère qu’on le verra ce soir », se réjouit Valérie au moment de charger les dernières denrées dans le véhicule.

En ce mercredi soir, cette bénévole aux Restos embarque avec Stéphane et Franck pour trois ou quatre heures de maraude dans les rues de la cité phocéenne. Les Arnavaux, la Timone, les Chartreux, la Canebière : « 40 kilomètres parcourus entre 19h30 et minuit environ. »

Cette maraude a lieu toute l’année, 7 jours sur 7. « Tant qu’il y a des bénévoles, la maraude tourne », pose Michel, coordinateur des actions « Gens de la rue » aux Restos du Cœur des Bouches-du-Rhône. Il aimerait pourtant compter davantage de volontaires pour étayer ses équipes. Au cœur de l’été, la fermeture de nombreux centres et associations fragilise les personnes démunies. Pourtant l’équipe de 80 bénévoles se relaie et reste plus que jamais mobilisée.

« Dans la rue, les gens ne cessent pas d’avoir faim parce que c’est les vacances », raille Michel.

Maraude à Marseille Nord, juillet 2024 © Sylvie Grosbois

Des repas et des petits plus « pour dépanner »

« Le véhicule est rempli d’eau chaude, de boissons lyophilisées : soupe, café, chocolat, thé… On s’arrête dans une boulangerie pour y acheter du pain. On distribue aussi des protéines : boîtes de thon, sardines. Ça et des desserts. »

Hommes isolés, migrants, femmes… Près de 70 personnes se pressent tous les jours au camion. Michel déplore l’apparition de nouveaux profils dans les rangs des personnes accueillies :

« Depuis quelque temps, on accueille des familles logées en hôtel et qui descendent au camion. Jusqu’à présent, les maraudes voyaient surtout des personnes sans-abri. »

Eau, gourde, textiles, produit d’hygiène… Les bénévoles essaient de répondre au mieux aux besoins individuels. « Quand on nous demande de la mousse à raser ou un pull, on dépanne. C’est vraiment à la demande », sourit Michel. A Marseille, l’urgence sociale est criante. Au quotidien, le bénévole coordonne 3 maraudes entre Aix-En-Provence et Marseille, 1 accueil de jour situé à la Belle de Mai où « 250 à 300 personnes se présentent tous les jours au petit déjeuner ». A cela s’ajoute un camion de rue « qui distribue des repas à 30 et 40 personnes les lundi et jeudi soirs » à Aubagne.

Valérie, bénévole sur les maraudes depuis cinq ans, et son équipe. Juillet 2024 © Sylvie Grosbois

« On a beaucoup de monde à voir »

A la Timone, une habituée approche en faisant des grands signes : « C’est une maman qui vit dans un squat avec sa fille en situation de handicap », s’attriste Valérie. « Elle vient toujours nous voir. On l’aime bien. »
– Et Martine, on ne la voit plus ?
– Il paraît qu’elle a trouvé un travail. Et peut-être un logement…

Aux abords de l’église des Réformés, l’équipe fait halte : « On est aux 2/3 de la maraude. On a beaucoup de monde à voir, ce soir », constate Stéphane.

La nuit tombe. D’arrêt en escale, l’ambiance est bonne et l’accueil chaleureux. « Souvent, les gens nous parlent de Coluche », sourit Valérie. « Tu sens qu’il a vraiment marqué les esprits. » Ici, un homme accueille les bénévoles sur un air de Bob Marley. Plus loin, un groupe d’individus se présente et on déchante : un jeune dans la vingtaine demande timidement un pull pour se protéger du froid. A la rue depuis trois jours, il refuse le sac qu’on lui propose puis fond en larmes.

Les maraudeurs nouent la conversation, écoutent mais l’homme est peu disert. 23 heures sonnent. Il est temps de ramener le véhicule à l’entrepôt des Arnavaux. L’équipe des Restos espère le recroiser demain.