Observatoire des Restos : Les familles toujours plus fragilisées par la précarité
Véritable sismographe de la précarité en France, les Restos ont accueilli plus de 1,3 million de personnes en 2023/2024. Comme chaque année, l’Observatoire des Restos du Cœur établit un rapport sur les caractéristiques des personnes accueillies, afin de mieux connaître leurs besoins et d’adapter nos activités sur le terrain. Cette années, les familles et enfants sont accompagnés au plus près par les équipes Restos.
30 % de familles sans aucunes ressources
Aux Restos, plus de 97% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté, fixé par convention dans l’Union européenne à 1 216 € pour une personne seule, soit 60 % du revenu médian, ou 2 554 € pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Ils sont même 70,2 % à vivre avec deux fois moins, soit 608 € par mois pour une personne seule, en hausse de 10 points sur un an. Selon l’Observatoire, « le taux de privation matérielle et sociale, [indicateur prenant en compte les difficultés pour faire face à au moins cinq dépenses courantes telles que le chauffage ou l’achat d’aliments protéinés] a augmenté de 0,2 point début 2023, atteignant ainsi 13,1%, son niveau le plus élevé des dix dernières années. » Une situation préoccupante dans un contexte marqué par une hausse significative des prix, notamment de l’énergie et de l’alimentation. Résultat, « près de 30% des familles accueillies déclarent vivre sans aucunes ressources, et même 35% une fois réglés les charges et l’endettement : elles sont donc dépendantes de l’aide alimentaire », ajoute l’Observatoire.
« C’est dur de vivre en comptant chaque centime et en devant aller à l’aide alimentaire car on ne peut pas s’acheter à manger. » (Femme 35 ans)
Les familles monoparentales en première ligne
Parmi les ménages les plus touchés, après les personnes seules (48 %), les familles avec enfants représentent 44 % du total, dont plus de la moitié (23 %) sont des familles monoparentales. Or, ces dernières ont un taux de pauvreté beaucoup plus élevé que les autres. En 2020, indique l’Insee, 35 % des familles monoparentales vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 14 % pour l’ensemble des ménages en France. Aujourd’hui, 40 % des enfants vivant dans ces familles sont en situation de pauvreté, soit 2,5 fois plus que ceux vivant avec un couple, et jusqu’à 77 % quand le parent n’a pas d’emploi. Par ailleurs, la très forte majorité de femmes parmi les responsables de familles monoparentales (90 %) vient aggraver cette précarité alimentaire, du fait notamment des inégalités face à l’emploi et aux salaires, donc à des retraites insuffisantes pour couvrir les besoins de bases.
« Je n’étais jamais venu mais cette fois je ne m’en sors plus, j’ai besoin des Restos du Cœur. » (Femme 42 ans avec 2 enfants)
Un large public d’enfants et de jeunes adultes
Avec 39 % de moins de 18 ans et 10 % de 18-24 ans, le public ayant recours à l’aide alimentaire des Restos du Cœur est marqué par sa jeunesse. Et la précarité touche dès le plus jeune âge : plus de 128 000 enfants de moins de 3 ans sont accueillis aux Restos. Au niveau national, l’Insee rappelle que 20 % des enfants de moins de 3 ans en moyenne vivent dans la pauvreté, un chiffre qui augmente avec le nombre d’enfants par foyer, passant de 16 % avec un enfant jusqu’à 24 % avec trois. Il devient même critique dans les familles monoparentales (voir ci-dessus). Cette situation n’est pas sans conséquences pour la suite, se répétant parfois à l’âge adulte. Selon une étude de France Stratégie, un peu moins d’une personne sur quatre ayant connu la précarité à l’adolescence est pauvre à l’âge adulte, contre une sur dix chez les personnes mieux loties dans l’enfance. Et près d’un tiers des anciens ados précaires finissent même parmi les 20 % les plus fragiles à l’âge adulte, avec un risque de pauvreté 2,25 fois plus élevé.
« Les Restos, ah bien j’espère ne plus avoir besoin d’y venir, mais pour le moment je n’ai pas le choix. » (Personne seule, 33 ans)
En 2023, plus d’un Français sur dix (12 % de la population) vivait dans un ménage aux moyens financiers insuffisants pour « chauffer correctement son logement », ou pour « manger un repas contenant des protéines tous les deux jours. Un chiffre qui a presque doublé depuis 2014. (source Insee)
En France, 9,1 millions de personnes vivent dans la précarité. Le taux de pauvreté a atteint 14,4%. Il est de 7,7 % parmi les personnes ayant un emploi et de 18,3 % parmi les travailleurs indépendants. (source Insee)
Étude sur les personnes accueillies à l’aide alimentaire.
Comme chaque année, l’Observatoire des Restos du Cœur établit un rapport sur les caractéristiques des personnes accueillies au sein de nos centres. Ce document permet de connaître les publics que nous accueillons, et d’adapter nos activités en fonction des besoins. Il donne également une image de la pauvreté en France, bien que certaines caractéristiques des publics accueillis aux Restos les distinguent de l’ensemble de la population française.